Histoires gourmandes : le Brillat-Savarin

 

Dans l’aire de production du Brillat-Savarin, la fabrication de fromage à pâte molle issu d’un caillé à dominante lactique remonte à l’époque médiévale. Ce savoir-faire s’est développé dans les abbayes cisterciennes. Il s’est ensuite répandu dans les fermes au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. La pratique d’un caillage long et d’un égouttage naturel, correspondaient parfaitement au rythme de vie des exploitations fermières. On trayait les vaches le soir tandis que le caillage du lait s’opérait la nuit. Au matin on mettait le caillé à égoutter, sans surveillance particulière, ce qui permettait aux fermiers de vaquer à leurs multiples occupations.

Un peu plus tard, à partir du XIXe siècle, se sont développées, dans la Brie comme en Bourgogne, des pratiques d’enrichissement du lait en matière grasse, à partir de crème de lait. La technique de production est devenue alors beaucoup plus délicate, cet ajout de matière grasse ayant pour conséquence une rétention d’eau importante qui produit un caillé bien plus fragile, nécessitant d’être manipulé avec de grandes précautions afin de ne pas le briser. Davantage de travail, davantage d’attention et de compétences… mais un résultat incomparable qui ne tarda pas à séduire les palais les plus gourmands, en province comme à Paris. Mais la fragilité du fromage jouait contre lui. Les pratiques étaient inégales et la qualité aussi. C’est Henri Androuet, le plus important commerçant en fromages de la capitale, qui réveilla le goût du public pour le fromage au lait enrichi. En 1930, s’associant le savoir-faire d’un fabricant talentueux, il mit au point un fromage d’exception auquel il donna le nom de Brillat-Savarin. Jean-Anthelme Brillat-Savarin fut ce que l’on appelle un personnage à son époque. Bel homme, Grand bourgeois rallié aux idées de la Révolution, il devint haut magistrat, puis législateur. Il connaîtra l’exil et le retour en grâce, théorisera sur l’amour et travaillera longuement à l’ouvrage culinaire qui le rendra célèbre. Sa « Physiologie du Goût » fut publiée en 1830. Ce fut immédiatement un immense succès de librairie, un ouvrage que l’on plaçait alors au même rang que les Maximes de La Rochefoucauld et les Caractères de La Bruyère.

Le succès ne tarda pas pour ce nouveau fromage proposé par Henri Androuet. Dans les décennies qui suivirent, d’autres fromagers se mirent à produire selon « la recette Androuet », tout en respectant le nom de Brillat-Savarin qui devint indissociable de ce fromage à nul autre pareil. Le nom se popularisa, on le verra apparaître dans d’illustres publications culinaires, puis dans les dictionnaires. C’est ainsi que le Brillat-Savarin devint, assez rapidement, une présence incontournable sur tous les chariots de fromage des grands restaurateurs, et chez tous les gourmets. Il était (et il est toujours) le fromage des gastronomes souhaitant conclure le repas sur un sentiment d’onctuosité et de douceur.

La production de Brillat-Savarin connu un nouvel engouement à partir des années 1970, en France comme dans le reste du monde. On se mit à l’exporter, notamment vers l’Allemagne, la Belgique, l’Angleterre et l’Amérique du Nord.

Fort de ce succès, la fabrication aurait pu se répandre dans d’autres régions laitières, mais le savoir-faire s’est enraciné sur son territoire actuel, ce qui permit à la filière, au tournant des années 2000, de valoriser et sécuriser ses pratiques à travers la constitution d’un ambitieux cahier des charges.

L’Indication Géographique Protégée (IGP), accordée au Brillat-Savarin en 2017 est l’aboutissement de cette volonté collective de protéger et de promouvoir un savoir-faire entretenu au fil des générations.

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